Entre les murs bétonnés d’une rue anodine d’une petite banlieue résidentielle, une drôle d’atmosphère emplit l’air. Cette rue n’est pourtant pas très remarquable, c’est un petit canyon coincé entre un bâtiment de bureaux et une petite colline en haut de laquelle se trouvent les rails du tramway.
D’une centaine de mètres de long, elle n’évoque rien d’autre que l’archétype d’une rue de banlieue. Elle n’est pas peuplée de farfadets, ne mène pas vers une autre dimension. Il y a un tube de plastique qui protège des câbles électriques qui alimentent le chantier voisin, deux miroirs sont disposés à la sortie du parking de l’immeuble le plus gros pour faciliter les créneaux, sur ses murs les pluies et rayons de soleil ont vieilli la surface bétonnée, qui rappelle le patchwork de bitume, dalles de ciment, et graviers qui constitue le sol de la rue, au bout de laquelle il y a la station de tramway. Une rue tout à fait anonyme, même pas remarquable.
À l’autre bout, un parterre d’herbe à chat duquel sortent des bancs, pavés, rails ... Une file de fourmis s’active, elles rentrent au terrier, sous un immeuble de bureaux, et au loin, une paire de gyrophares clignote comme des lucioles visibles en plein jour.
Si on se laisse à la rêverie, on pourrait penser que cette rue est à Tokyo ou Séoul, surtout à cause des câbles électriques apparents. Et le béton a une couleur juste assez impersonnelle pour qu’on puisse se projeter n’importe où. Houston en décembre ... Mais les cigales percent un peu trop les tympans pour laisser croire qu’on est en hiver.
D’un coup la pluie se met à tomber, et on en revient à la toute première comparaison : Tokyo. Dans un quartier résidentiel, comme Takadanobaba ou Setagaya. L’odeur du béton mouillé a ce pouvoir de téléporter immédiatement à l’autre bout de la planète. D’ailleurs, il y a sur le quai du tramway un comptoir qui vend des bentō. Le goût du riz vinaigré, du shōyu, du thé, contribuent à l’illusion. Là c’est la gare de Shinjuku, il y a une boutique exactement comme celle-ci.
Et petit à petit la vision se brouille, la sueur se met à couler. Les murs suintent. Et ils soufflent, ils exhalent un air à l’odeur de béton humide, frais. Quand on fait la mise au point, on aperçoit entre deux pans de mur une tour dont la partie supérieure a l’air d’avoir été découpée au cutter, une sacrée anomalie visuelle. Un arbre sort d’un puits, ses branches poussent autour d’un panneau de signalisation tout rouge, qui a l’air d’un fruit mûr, prêt à dégringoler.
Ça va très vite, ces successions de glissement de terrain. Chaque élément de la rue est un tunnel. Et tout est si dysfonctionnel, ou c’est peut être la caméra qui a du mal à gérer la lumière. Quoi qu’il en soit, il y a soit quelque chose en trop, soit un truc qui manque.
Le train juste au dessus vient de couper son moteur.
Plus un bruit.
credits
released December 10, 2019
Mostly static soundscapes and compositions. Recorded between April 2011 and November 2018 in various places around Western Europe, Maghreb, and Northeast Asia.
Mixed at home in October 2019.
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